13 Juin 2019

L’Espagne et la Custodie de Terre Sainte

La présence espagnole en Terre sainte remonte au XIIIe siècle, lorsque les souverains aragonais arrivèrent en Égypte pour conclure des accords avec les Mamelouks en vue de protéger les sanctuaires chrétiens et leurs habitants. Après la chute du royaume de Jérusalem en 1291, l’Ordre franciscain, à travers la Custodie de Terre Sainte, demeura seul responsable de la gestion des sanctuaires chrétiens. La Custodie s’appuya sur l’internationalité de ses frères et des soutiens qui lui parvinrent. Une particularité, encore aujourd’hui, propre à la présence franciscaine au Moyen-Orient.

[FR]Ensemble de flambeaux et vases avec bouquets, en argent tourné, fondu, repoussé et ajouré ajouré de pierres semi-précieuses, aux armes de Philippe V (©N.Asfour/CTS)[/FR]

Les premiers bienfaiteurs

En 1342, les rois de Naples, Robert d’Anjou et Sanche de Majorque, obtinrent du sultan d’Égypte, par l’intermédiaire du franciscain Rogelio Garini, la possibilité de retourner officiellement en Terre sainte, la propriété du Cénacle et le droit de célébrer au Saint-Sépulcre.

Le 21 novembre de la même année, le pape Clément VI par les bulles “Gratias Agimus” et “Nuper carissimae” établissaient les franciscains Gardiens des Lieux saints au nom de l’Eglise catholique romaine. Cela fut possible grâce à l’intervention du souverain aragonais qui s’engagea à aider les franciscains dans leur mission de préservation et d’animation des Lieux saints. Plus tard, Pierre IV dit “le Cérémonieux” (1336-1387), neveu de Sanche de Majorque, obtiendra pour les franciscains et donc pour l’Église catholique, le droit de posséder des Lieux Saints ; sans son intervention de 1345, la Custodie et la présence catholique latine n’auraient probablement pas survécu.

Fidélité des maisons royales d’Espagne

Le mariage entre Ferdinand le Catholique et l’héritière de Castille, Isabelle, remis la situation de la Terre Sainte au cœur des préoccupations des souverains espagnols. De fait, à partir de 1477, les frères firent l’expérience de la générosité d’Isabelle la Catholique qui ne cessa tout au long de sa vie de faire des dons “pour sa seule dévotion”. Les sources nous parlent de 300 florins d’or suivis de la célèbre donation de 1489 d’un millier de ducats en or. La souveraine, tertiaire franciscaine, n’a eu de cesse d’évoquer son désir “d’aumône et de miséricorde”. Ces donations se poursuivirent jusqu’en 1684, comme en témoigne un certificat de Philippe IV confirmant le “versement de mille couronnes d’or par an”.

[FR]Grand calice en argent fondu, ciselé et doré, offert par Philippe II d’Espagne en 1587 (©N.Asfour/CTS)[/FR]

Cette dévotion pour les Lieux saints sera à l’origine d’une contribution énorme et constante de l’Espagne, à travers l’Ordre franciscain, en faveur du maintien de sa présence en Orient ; des contributions qui furent pendant de nombreux siècles le principal soutien économique et culturel de la Custodie de Terre Sainte. En conséquence, la charge d’économe de la Custodie, responsable de la gestion des fonds, fut très longtemps attribuée à un religieux espagnol, comme expressément confirmée dans les statuts de 1746.

À la fin du XVIIIe siècle, Charles III, alors roi d’Espagne, édicte l’arrêté royal du 17 décembre 1772, par lequel il réaffirme le patronage royal de ses prédécesseurs et prend en charge l’institution ecclésiastique du commissariat de Terre Sainte jusqu’alors responsable de la collecte et de la distribution des fonds publics et de l’aumône des fidèles en faveur de la Terre Sainte. Dès lors, le roi intervint dans la nomination du frère commissaire de Terre Sainte et toutes les sommes à destination de la Terre Sainte furent administrées sous la supervision des monarques espagnols.

L’œuvre pieuse en faveur des Lieux Saints de Jérusalem

Au cours du XIXe siècle, cet élan se poursuivit jusqu’à ce que le commissariat de Terre Sainte soit transformé en un organisme public dénommé « Obra Pía de los Santos Lugares » – Œuvre pieuse en faveur des Lieux Saints. Celle-ci deviendra une institution autonome de l’État, le 3 juin 1940, dotée d’un statut juridique et de son propre patrimoine, régie par un Conseil de direction présidé par le ministre des Affaires étrangères

Au milieu du XIXe siècle, d’importants changements survinrent au Moyen-Orient du fait de l’affaiblissement progressif de l’Empire turc et de l’influence croissante de l’Europe. Ces rivalités entre puissances minèrent le rôle historique de l’Espagne en tant que protectrice des Lieux saints. D’autre part, en cette même fin de XIXème siècle, le Saint-Siège rétablit le Patriarcat latin de Jérusalem modifiant le rôle dévolu jusqu’alors à la Custodie de Terre Sainte.

C’est en reconnaissance et en hommage à cette histoire commune de plus de quatre siècles que le Terra Sancta Museum consacrera une salle aux présents des souverains espagnols. De cette manière, les visiteurs de toutes les nations pourront admirer la splendeur de l’art sacré espagnol, fruit d’une grande dévotion et des techniques artistiques uniques. Chaque année, à l’occasion des fêtes nationales espagnoles, la Custodie de Terre Sainte célèbre une messe pour la nation et les souverains d’Espagne à l’église Saint-Sauveur de Jérusalem et au Saint-Sépulcre.

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Merci au frère Eduardo Masseo Gutierrez Jimenez ofm pour son aide précieuse et au site du Ministère espagnol des Affaires Etrangères.

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