30 Septembre 2022

Nouveau tournant pour le Terra Sancta Museum

de ÉMILIE REY

L’essentiel de la 9ème session du comité scientifique du Terra Sancta Museum en quelques lignes : voici le défi que nous nous sommes lancés !  Bonne lecture !


QUAND LE CHANTIER DU MUSÉE DEVIENT LIEU DE TRANSMISSION

Ce fut l’heureuse nouvelle de ce comité scientifique : grâce aux financements conjoints de l’Agence française pour le développement – AFD/NDC et de la Fondation suisse Aliph les travaux de la première phase dite de « gros œuvre » ont repris. Ils s’étendront jusqu’en septembre 2023. Au programme : le renforcement des structures et des fondations, les travaux préparatoires à la mise en place des sols ventilés, l’étude des réseaux souterrains d’évacuation des eaux et la restauration des cours intérieures. « Toutes les forces vives de l’Office technique de la Custodie restent mobilisées sur ce projet avec pour objectif une ouverture à l’automne 2025 » a précisé Leonardo di Marco, ingénieur en charge de sa direction.

Et parce qu’un chantier d’une telle ampleur et technicité, au cœur d’une ville millénaire, est rare, les architectes de la Custodie ont réfléchi à une série d’actions de sensibilisation et de formation. Elles mettront l’accent sur la restauration et la préservation de bâti ancien. Sous la houlette de Lorraine Abou Azizeh, architecte engagée sur le projet, une journée « portes ouvertes » à destination d’architectes, d’ingénieurs et d’enseignants palestiniens s’est tenue dans la foulée du comité. Premiers fruits de cette rencontre : quatre ateliers de médiation internationale verront le jour au premier semestre 2023.

LE COMITÉ SCIENTIFIQUE S’ÉTOFFE

Michèle Bimbenet-Privat et Anne Dion, toutes deux Conservatrices au musée du Louvre, tiennent fermes les rênes des futurs catalogues d’orfèvrerie. Les textes devraient être arrêtés et traduits entre l’été et la fin de l’année 2023. D’ici là, les démarches de recherche d’un éditeur débuteront avec pour souci une large diffusion de ces catalogues qui s’annoncent somptueux tant par leur contenu scientifique que par les clichés du photographe Guillaume Benoît, collaborateur de la Galerie Kugel (Paris). Et pour enrichir avec exactitude la connaissance de chaque œuvre, le comité a fait appel à Charlotte Maury, Chargée de la collection ottomane du département des Arts de l’Islam au Louvre. À n’en point douter, de belles découvertes tant sur les ateliers de production, la circulation de ces œuvres et leurs commanditaires viendront enrichir le discours du Terra Sancta Museum. À l’instar de ce bassin espagnol, en argent, dont l’inscription a été « redécouverte » : « Le 16 février de l’an 1663, Pedro Dellanos et Isabelle Hernande, son épouse, ont donné cette vasque en aumône pour le baptême des enfants à Bethléem et à Jérusalem ». « Une telle œuvre vient manifester l’engagement social des frères et a toute sa place dans la salle dédiée au service de l’église locale » se réjouit Béatrix Saule, Présidente du Comité.

Parmi les « nouvelles têtes », le comité scientifique accueillait aussi Anastasia Ozoline, Restauratrice rattachée au Palais Galliera, le musée de la mode de la ville de Paris. Elle a pu revenir, avec émotion et enthousiasme, sur l’état de conservation exceptionnel des collections textiles du Terra Sancta Museum mais surtout sur le premier cours de restauration qu’elle a prodigué aux sœurs adoratrices de la Grotte du Lait, à Bethléem. Un cours qui se poursuivra en janvier 2023 pour la plus grande joie du comité ; la formation d’acteurs locaux en matière de restauration garantit la préservation de ces collections déjà pluricentenaires.

LES DERNIÈRES EXPOSITIONS INTERNATIONALES

À collections exceptionnelles, expositions exceptionnelles ! Avant la mise sous vitrine des œuvres et l’ouverture du musée, deux grandes expositions agitent déjà le monde de l’art. Fin 2023, « Theatrum Mundi : Dons royaux au Saint-Sépulcre » s’ouvrira au Musée Calouste Gulbenkian, à Lisbonne. « Il s’agira d’une exposition de la qualité de celle de Versailles avec plus de 120 œuvres encore jamais présentées au Portugal » précise Jacques Charles-Gaffiot, co-commissaire de l’exposition aux côtés d’André Afonso, Conservateur des collections d’Orfèvrerie et de Bijoux au musée lisboète. Quant à la seconde exposition, nous ne pouvons pas encore vous révéler son lieu mais elle s’annonce extraordinaire ! « Ces deux expositions seront des occasions uniques pour faire découvrir, en avant-première et sur deux continents amateurs d’art, la richesse et la diversité de nos collections tout en assurant la prise en charge de la restauration de certaines œuvres » souligne Fr. Stéphane Milovitch, Directeur des biens culturels de la Custodie.

JETER LES BASES D’UN FONCTIONEMENT OPÉRATIONNEL

Béatrix Saule, Directrice Honoraire du Château de Versailles, est maintenant assise aux côtés de Barbara Jatta, actuelle Directrice des Musées du Vatican. Et le moins que l’on puisse dire c’est que les questions fusent. Le temps est venu de réfléchir et de façonner la future organisation du Terra Sancta Museum. Quelles seront les relations entre les deux entités, archéologique et historique ? Quelle place au sein de l’institution custodiale et quelle structure juridique composer ? Quid de la direction et de la répartition des responsabilités entre des frères, qui « doivent rester aux manettes tout en se faisant épauler par des professionnels de la gestion muséale » ? Quelles fonctions pourraient être mutualisées ? Comment identifier et former les ressources humaines du futur musée ? Autant de questions qui seront approfondies lors des prochains mois afin de présenter, courant 2023, un premier jet d’organisation au Custode de Terre Sainte et à son discrétoire, décisionnaires et premiers responsables du projet.

ÉTUDIER LES FUTURS PUBLICS DU MUSÉE

L’autre nouveauté de ce comité fut aussi la constitution d’un groupe de travail dédié à l’Étude des publics, « un préalable indispensable avant d’imaginer tout outil pédagogique et didactique au service de la médiation culturelle » redit avec insistance Silvia Roman, Chef du service des expositions temporaires au Château de Versailles. Et, aubaine pour toute l’équipe du Terra Sancta Museum, Pierre Aziza, Directeur Adjoint du Développement Culturel du Château de Versailles, a fait le déplacement depuis Paris. En croisant les statistiques du Ministère israélien du Tourisme et celle du Franciscan Pilgrims Office (FPO) transmises par Mike Kattan, concepteur et développeur du logiciel pour la Custodie de Terre Sainte, des premières tendances sont mises en évidence. 

« En 2019, 54% des touristes entrés en Israël étaient des chrétiens et parmi eux 25% en voyage organisé par une agence » (source Inbound Tourism Survey annual report 2019, Ministère du tourisme israélien). Quant aux sanctuaires, au cours de la même année, les nations les plus représentées furent les Etats-Unis, l’Italie et la Pologne suivies de l’Espagne, l’Indonésie et les Philippines (source FPO). Bref, le travail ne fait que commencer afin d’identifier avec précision les profils des futurs visiteurs, leurs temporalités, leurs pratiques culturelles…avec, en ligne de mire, le choix du système de réservation et de billetterie le plus approprié. 

BÉNÉFICIER DE L’EXPERTISE LOCALE ET INTERNATIONALE

« Grâce aux travaux de Raphaëlle Ziadé et George Al’Ama mais aussi l’intérêt de plusieurs institutions muséales locales, désireuses de faire des expositions avec nos collections, nous prenons conscience qu’elles reflètent non seulement des savoirs et des techniques mais surtout l’histoire et l’apport artistique des communautés chrétiennes locales » témoigne Fr. Stéphane Milovitch. Les deux experts prirent justement la parole pour un retour d’expérience suite à leur participation au XIème congrès d’études arabes chrétiennes, à Paris, en juillet dernier. Grâce à eux, l’école des icônes de Jérusalem fut pour la première fois mise sur le devant de la scène dans un grand congrès. Un ambitieux projet d’inventaires, de recherches et de premières mesures de conservation préventive est en train de voir le jour autour de la future salle des icônes.

La parole était aussi donnée à Maja Kominko, Directrice scientifique et des programmes scientifiques de la fondation Aliph (Alliance internationale pour la protection du patrimoine dans les zones de conflit). Elle put présenter l’étendue de leurs actions, leurs priorités et manières d’opérer sur plus de 30 pays, de l’Ukraine au Pakistan en passant par la Syrie, la Libye ou encore le Mali. Le Terra Sancta Museum est honoré de bénéficier du soutien et de l’expertise de la Fondation Aliph. 

Et c’est justement l’un des partenaires de la Fondation Aliph, la Khalidi Library, que le comité scientifique s’en est allé visiter. Établie en 1900, il s’agit de la première bibliothèque publique arabe de Palestine. Elle héberge l’une des plus grandes collections privées de livres et de manuscrits arabes au monde. Le Terra Sancta Museum remercie ses directeurs Raja et Khalil Khalidi tout comme David Dahdal, conseiller dédié aux programmes, pour cette visite qui mit l’accent sur leurs activités de restauration et de conservation. Ce fut ensuite autour de Denis Weil, Directeur du Musée d’Israël, d’accueillir la délégation pour une visite et un temps d’échange où furent aborder l’étude des publics et les outils de médiations. La Custodie de Terre Sainte tient à redire toute sa gratitude au comité scientifique sans qui ce projet ne pourrait voir le jour.

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